Comment savoir si un acte de caution est disproportionné ?
La Cour de cassation dans un arrêt du 25 mars 2020 a estimé que le cautionnement souscrit, qui représentait la totalité du patrimoine et trois années de revenus de la caution, était manifestement disproportionné à ses biens et revenus déclarés. Elle en a déduit que la banque devait être déchue de son droit de se prévaloir de l’engagement de caution souscrit.
Cautionnement : quel est le texte applicable ?
En matière de cautionnement : l’article L 332-1 du Code de la consommation (anciennement L 341-4 du Code de la consommation), qui dispose que :
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation », est souvent invoqué, par la caution, pour échapper à ses obligations.
Ainsi, si le Juge considère un cautionnement manifestement disproportionné au patrimoine de la caution, celle-ci n’est pas tenue par l’engagement souscrit et n’a donc pas à payer le créancier à ce titre.
Toutefois, cette notion n’est pas simple et malgré le fait qu’elle existe depuis plusieurs années, la jurisprudence continue d’en préciser les modalités d’application.
Une nouvelle modalité d’application au cautionnement « manifestement » disproportionné
Quels étaient les faits ?
La Caisse d’épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse (la banque) a, par acte notarié du 18 mai 2009, consenti à la société civile immobilière Palette (la SCI) un prêt immobilier de 335 000 euros, remboursable en 300 mensualités au taux de 5 % l’an, garanti solidairement par M. F… et Mme K… (les cautions), chacun dans la limite de 435 500 euros. Le 5 août 2013, la banque a prononcé la déchéance du terme et a engagé une procédure de saisie immobilière à l’encontre de la SCI. Le 26 novembre 2013, elle a assigné les cautions en paiement de sa créance, lesquelles lui ont opposé la disproportion de leurs engagements.
La Cour de cassation suivant l’argumentation de la cour d’appel a indiqué qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique que si l’engagement de celle-ci était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; que, pour juger que l’engagement de caution souscrit par M. F… était disproportionné à ses biens et revenus, la cour d’appel a relevé que celui-ci était propriétaire de deux biens immobiliers évalués à 350 000 euros et 170 000 euros, mais qu’il supportait pour ces deux biens la charge du remboursement de deux prêts et qu’après imputation des crédits en cours, la valeur nette de son patrimoine immobilier ne représentait que 205 000 euros.
Une appréciation en deux temps
Elle ajoute, après avoir relevé que M. F… justifiait de sa qualité de propriétaire de deux biens immobiliers dont la valeur nette, après déduction des emprunts en cours, s’élevait au jour de la souscription de son engagement à la somme totale de 205 000 euros, à laquelle s’ajoutaient une épargne de 20 000 euros environ, des revenus annuels déclarés d’un montant de 71 023 euros et des revenus de capitaux mobiliers s’élevant à 731 euros par an, que la banque ne rapportait pas la preuve de la capacité contributive de la caution au jour de son appel, la cour a à juste titre estimé que le cautionnement souscrit, qui représentait la totalité du patrimoine et trois années de revenus de la caution, était manifestement disproportionné à ses biens et revenus déclarés. Elle en a exactement déduit que la banque devait être déchue de son droit de se prévaloir de l’engagement de caution souscrit.
Aussi, Il résulte des textes et de la jurisprudence que l’appréciation de la disproportion se fait en deux temps : au jour de la conclusion de l’engagement de caution et au jour où la caution est appelée en paiement.
Lorsque le cautionnement est disproportionné lors de sa conclusion et que le créancier ne démontre pas que la caution est en mesure d’y faire face au moment où il réclame le paiement, la caution est totalement déchargée de son engagement
Dans la présente affaire, la caution était propriétaire de deux biens immobiliers évalués à 350 000 € et 170 000 €, et elle supportait pour ces deux biens la charge du remboursement de deux prêts. Après imputation des crédits en cours au jour de la souscription de son engagement, la valeur nette de son patrimoine immobilier ne représentait que 205 000 €. La banque faisait valoir qu’il convenait de rechercher la somme que la caution avait encore à rembourser dans le cadre de ces deux prêts au jour où elle l’avait poursuivie en paiement. Son argument est rejeté car il lui appartenait de prouver que, à cette date, la valeur nette des immeubles était supérieure.