Nouvelle amende forfaitaire pour délit de consommation de stupéfiants
La consommation de produits stupéfiants est une infraction pénale sanctionnée depuis longtemps, l’usage/consommation étant bien une infraction à distinguer du transport, de la détention, de l’offre, de la cession, de l’acquisition ou de l’emploi illicites de stupéfiants qui sont des délits réprimés sévèrement par en application de l’article 222-37 du code pénal.
Il faut donc bien distinguer l’usage à titre de consommation personnelle de stupéfiants et le « trafic » de stupéfiants.
La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice instaure une nouvelle amende forfaitaire de 200 euros pour réprimer la consommation de stupéfiants.
Elle a pour objectif de désengorger les tribunaux correctionnels, d’adapter les peines, souvent inappliquées, tout en frappant au porte-monnaie des consommateurs réguliers ou occasionnels dans le but de limiter la demande, et donc le trafic.
Concrètement, que signifie ce changement de politique répressive et cette simplification aux apparences moins sévères ?
La sanction de la consommation avant la « réforme »
En application de l’article L. 3421-1 du Code de la Santé Publique, l’usage illicite de stupéfiants était un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende.
A titre complémentaire, les personnes coupables de ce délit encouraient également l’obligation d’accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants, outre des circonstances aggravantes selon l’auteur de l’infraction.
En pratique, cette sanction, n’était jamais prononcée ni même appliquée par les tribunaux.
La consommation de stupéfiant après la réforme applicable au 1er septembre 2020
Depuis l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 58 de la loi précitée, les consommateurs de drogue, dont les usagers de cannabis, peuvent recevoir une amende de 200 €.
Si l’amende est réglée sous quinze jours, elle est minorée à 150 €. Au-delà de 45 jours, le contrevenant devra payer une amende majorée de 450 €.
L’infraction est constatée par les forces de l’ordre par procès-verbal électronique.
Attention, l’usage de stupéfiants reste un délit.
Si l’auteur des faits ne paie pas l’amende, un procès aura lieu devant le tribunal correctionnel et l’usager de drogues risquera toujours 1 an de prison au maximum et 3 750 € d’amende au maximum.
Attention l’article L 3422-1 précédemment évoque reste applicable, l’amende est une option de sanction et non la sanction obligatoirement appliquée, la nuance est importante.
Les observations et commentaires pratiques
1/ L’amende forfaitaire est applicable à tous les stupéfiants, c’est-à-dire tant pour le cannabis (herbe ou résine), que pour la cocaïne et toutes autres substances.
Cela étant, l’amende étant une option, elle aura tendance à cibler les consommateurs de cannabis, plus nombreux pour un usage considéré moins grave que les autres stupéfiants.
2/ L’amende étant ne simple possibilité et non une obligation, son application sera à la discrétion des politiques pénales locales et dépendra donc toujours des instructions données par les Procureurs, sous l’autorité du Gardes des Sceaux.
On peut donc légitimement penser qu’il y aura des disparités locales quant aux poursuites pénales des consommateurs.
3/ L’amende sera certainement proposée à un primo délinquant ou à un consommateur occasionnel, et non à un consommateur d’habitude qui se ferait régulièrement interpeller.
4/ L’amende doit être établie et dressé par un policier ou un gendarme, OPJ ou APJ sous couvert et sous la responsabilité d’un OPJ identifié.
La plupart des infractions d’usage étant aujourd’hui constatées par les policiers municipaux, il apparait peut probable que ces derniers puissent juridiquement verbaliser les fumeurs de cannabis.
5/ Le problème de la détection et de l’identification du produit stupéfiant va également se poser, car il faudra pouvoir déterminer le produit et démontrer que le prévenu consomme, ce qui supposera un flagrant délit mais aussi un test produit sans quoi l’amende ne pourra pas être établi.
Se pose également la question de la conservation et de la destruction des produits.
En somme la garde à vue ne sera pas forcément écartée au regard de ces difficultés d’ordre objectif
6/ La question se posera aussi de savoir si l’amende pourra être proposée aux délinquants en récidive légale et comment le délit sera inscrit au casier judiciaire en l’absence de jugement rendu ?
7/ La frontière avec les infractions de trafic de stupéfiants est extrêmement mince et dépendra finalement des circonstances et des quantités. Le simple consommateur devra en tout cas tenter de démontrer de bonne foi que c’est un usage personnel pour éviter le risque d’être assimilé à un trafiquant.
En conclusion
Sous couvert d’une volonté de simplification et d’efficacité de la réponse pénale à apporter à la consommation de stupéfiants, l’amende forfaitaire reste avant tout une option dans un arsenal plus vaste, une option taxatrice que beaucoup de consommateurs ne paieront pas ou ne pourront pas payer.
En fin de compte, l’amende est un effet d’annonce dont l’efficacité reste encore à démontrer dans son application.
Frapper aux porte-monnaie des consommateurs n’est en tout cas pas le meilleur moyen de lutter contre le trafic.