La discrimination raciale au travail
L’interdiction de la discrimination raciale au travail
Le Code du travail interdit la discrimination raciale au travail. L’article L1132-1 vise ainsi les discriminations lors de l’embauche ou de l’accès à un stage, en matière de licenciement ou d’autres sanctions, ainsi que durant toute l’exécution du contrat, par exemple à l’égard de la formation, de la rémunération ou des promotions. Toute décision de l’employeur doit être prise en fonction de critères professionnels, et non sur des considérations qui s’apparentent à une discrimination raciale.
Le Code précise les critères qui ne sauraient être pris en compte. Il s’agit notamment de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, des convictions religieuses, du nom de famille, du lieu de résidence ou de la domiciliation bancaire, ou encore de la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.
Aussi, dans la fonction publique la discrimination est prohibée par l’article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 dite “Le Pors”. La non discrimination est également prévu par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008. Un agent public ne doit faire l’objet d’aucune discrimination, notamment de la part de sa hiérarchie, en raison de ses opinions, son sexe, son origine ou son état de santé. Cette interdiction s’applique aussi bien au recrutement qu’au déroulement de carrière et concerne les fonctionnaires comme les contractuels.
Que ça soit dans le secteur privé ou public, la discrimination raciale au travail constitue également une infraction pénale. L’article 225-1 du Code pénal définit la discrimination comme toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de certains critères, parmi lesquels leur origine, leur apparence physique, leur patronyme, ou encore leur appartenance ou leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Caractérisation de la discrimination raciale au travail
Il y a discrimination… Lorsque l’employeur traite différemment ses salariés, en se fondant notamment sur
- l’origine géographique, le nom de famille, le lieu de résidence
- l’appartenance ou la non-appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie ou à une nation
- le fait de parler une autre langue que le français
- les convictions religieuses
La discrimination est directe lorsque la personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre qui se trouve dans une situation comparable. Elle est indirecte lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique, neutre en apparence, entraîne un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres. Par exemple, une mesure défavorable aux travailleurs à temps partiel peut constituer une discrimination indirecte en raison du sexe, si la grande majorité des travailleurs à temps partiel sont des femmes.
Bien entendu, toutes les différences de traitement ne sont pas interdites. Elles peuvent être permises lorsqu’elles sont prévues par la loi afin de répondre à une exigence professionnelle, et qu’elles sont proportionnées à leur objectif légitime. Ces exceptions concernent souvent l’âge, le handicap, le sexe ou le lieu de résidence.
La discrimination raciale au travail, une forme de harcèlement ?
Concrètement… constitue une discrimination raciale au travail le fait d’annoncer à une candidate qu’elle ne pourra être embauchée que dans quelques semaines, lorsque la directrice sera en vacances, car cette dernière ne fait « pas confiance aux maghrébines » (Cour de cassation, 18 janvier 2012).
Le fait de demander à un salarié de se faire appeler «Laurent» plutôt que «Mohammed» constitue également une discrimination raciale au travail (Cour de cassation, 10 novembre 2009). L’invocation du moindre prétexte ne permet pas d’écarter la discrimination. Ainsi, dans cette affaire, la Cour de cassation a rejeté l’argument selon lequel ce changement de prénom était justifié par l’existence de plusieurs salariés prénommés Mohammed au sein de l’entreprise.
La discrimination raciale peut aussi prendre la forme d’un harcèlement moral. Des propos racistes répétés, même sous la forme de prétendues « blagues racistes », sont de nature à constituer une discrimination.
La discrimination fondée sur la religion est en principe interdite, mais elle pose des problèmes particuliers. En vertu du principe de laïcité, une obligation de neutralité religieuse s’impose aux agents publics. En revanche, les salariés du privé ne peuvent se voir interdire de manière générale le port de signes religieux. Une telle mesure ne sera permise qu’à la condition d’être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et, par exemple, des considérations de sécurité ou d’image de l’entreprise. Une différence doit en particulier être faite entre les salariés selon qu’ils sont ou non en contact avec le public. Notons enfin qu’une interdiction d’apparence neutre mais qui vise en réalité une seule religion particulière constitue une discrimination.
Que faire en cas de discrimination raciale au travail ? À qui s’adresser ?
La victime d’une discrimination raciale au travail peut déposer une plainte pénale au commissariat de police le plus proche du lieu de l’infraction, à la gendarmerie ou par lettre au Procureur de la République. Naturellement, la lettre doit préciser la nature, la date, le lieu de l’infraction, et idéalement son auteur. Il convient aussi de joindre tous les éléments de preuves : copie des certificats médicaux (en cas de violences), les témoignages écrits et sonores, les noms du ou des témoins, leurs adresses, les copies de photographies, les arrêts de travail, etc…
Toute discrimination est passible de 3 ans de prison et de 45 000 euros d’amende. Si les auteurs ont agi comme agents publics ou comme responsables d’un lieu accueillant du public, les peines peuvent aller jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende. Les personnes morales peuvent également être déclarées pénalement responsables.
Face à une discrimination raciale au travail, il convient également de saisir le Conseil de Prud’hommes afin d’obtenir l’annulation de la mesure discriminatoire et la réparation du préjudice subi. La victime devra présenter au juge les éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination alors que l’auteur supposé devra prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs et non discriminatoire. Le «testing» constitue désormais un mode de preuve admis par la loi pour établir une discrimination raciale au travail ou un « délit de faciès ».
L’agent public ayant été discriminé en raison de ses origines peut saisir le Tribunal Administratif pour discrimination.
Dans tous les cas, l’Inspection de travail et / ou le Défenseur des droits peuvent être saisis. Ils assisteront la victime dans ses démarches.
Tout récemment, par jugement en date du 17 décembre 2019, le conseil des prud’hommes de Paris vient de reconnaître et de condamner pour la première fois la « discrimination raciale et systémique » à l’encontre de 25 travailleurs sans papiers maliens employés dans le secteur du bâtiment. Assistées par la CGT Paris et le Défenseur des droits, les victimes obtiennent 34 000 euros de dommages et intérêts et sont rétablies dans leurs droits.
Le CPH Paris a reconnu l’existence d’un « système organisé de domination raciste », où des travailleurs étaient cantonnés à des tâches dangereuses et placés en bas de l’échelle de l’organisation du travail, considérés « comme des entités interchangeables et négligeables ».
Un label pour prévenir les discriminations et promouvoir la diversité
Mais mieux vaut prévenir que guérir… en 2008, l’État a créé le label diversité avec les partenaires sociaux et des experts pour reconnaître l’engagement effectif pour prévenir les discriminations et promouvoir la diversité dans les secteurs public et privé. Il permet aux ministères, collectivités territoriales, établissements de santé, entreprises ou associations d’évaluer leurs processus de ressources humaines et de les améliorer. Le label est attribué pour une durée de 4 ans, renouvelable.