Le droit d’auteur et la photo : les règles à connaître
Avant de prendre ou d’utiliser une photographie, voici quelques questions qu’il faut avoir à l’esprit.
Suis-je libre de photographier ce que je veux ?
Le principe
Par principe, il est possible de photographier toutes sortes d’objets ou de sujets, faculté qui découle pour le photographe de sa liberté d’expression artistique.
La liberté du photographe peut néanmoins se heurter à la liberté de la personne photographiée ou à une protection particulière accordée à l’objet photographié.
Une personne peut parfaitement refuser qu’une photographie d’elle soit prise et diffusée à partir du moment où elle est identifiable.
Si la photo est prise dans l’espace public, l’interdiction ne vaut que si la personne est identifiable et isolée sur la photographie.
Ce refus n’est cependant pas fondé sur le droit d’auteur (car une personne n’est pas auteur de sa propre image) mais sur le droit au respect de la vie privée, droit de la personnalité.
L’accord qui devra donc être recueilli auprès du sujet de la photographie prendra la forme d’une autorisation d’utiliser l’image et non d’une cession de droits.
Le régime de réservation de droit
Quant à l’objet de la photographie, il peut faire l’objet d’une protection par un régime de réservation de droits.
On pensera bien entendu au droit d’auteur dans la mesure où l’objet de la photographie peut lui-même être une œuvre au sens de la propriété intellectuelle (tableau, œuvre architecturale, marque…).
Auquel cas la photographie constituerait un acte de reproduction non autorisé par l’auteur de l’œuvre.
Cela ne vaut bien évidemment que pour des œuvres qui ne sont pas encore tombées dans le domaine public (soixante dix ans après la mort de l’auteur). C’est pourquoi n’importe quel visiteur du Louvre peut photographier la Joconde.
La photographie ne peut donc constituer un moyen détourné pour diffuser une œuvre dont les droits seraient protégés.
Comment l’une de mes photographies est protégée par le droit d’auteur ?
Les photographies sont visées explicitement au 9° de l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle au titre des œuvres de l’esprit.
Le droit d’auteur et par conséquent l’ensemble des prérogatives morales et patrimoniales afférentes sont reconnus à l’auteur du simple fait de la création.
S’il n’est pas nécessaire d’apposer de mentions spécifiques sur la photo (telles que «tous droits réservés » « ® » « © »), il est préférable que l’auteur de la photo soit identifiable.
Pour prétendre à une protection au titre du droit d’auteur une photographie doit répondre au double critère de mise en forme et d’originalité.
La mise en forme
Les simples idées ne sont pas protégées en tant que tel, la photographie n’existe donc qu’à partir du moment où elle est matérialisée.
L’originalité est une notion subjective qui signifie qu’il est possible de discerner dans la création l’empreinte de la personnalité de l’auteur. L’originalité ne doit pas s’entendre comme la nouveauté et on doit l’opposer à la création contrainte, banale ou purement fonctionnelle.
Exemples :
- J’ai l’idée de prendre une photographie du ciel étoilé : cela n’est pas protégeable car l’œuvre n’est pas mise en forme.Par comparaison :je prends une photo du ciel étoilé : le cliché est protégé du simple fait de la création à condition qu’il révèle un effort créatif personnel.
- Je prends en photo une course automobile : ce cliché est protégeable s’il révèle un effort créatif personnel. Par comparaison: un radar automatique prend un cliché d’une voiture en excès de vitesse.l s’agit d’une photographie fonctionnelle et contrainte, le radar n’opère aucun choix n’a aucune velléité créative, ce cliché n’est pas protégé au sens du droit d’auteur.
La destination ou le mérite artistique de la photographie sont indifférents. Une photo de famille réalisée avec un téléphone ou un portrait réalisé en studio peuvent prétendre à la même protection, tout comme une photo ratée sera tout autant protégée qu’une photo réussie.
La protection d’une photographie au titre du droit d’auteur, si elle n’est pas automatique, est généralement acquise à l’auteur qui aura fourni un effort créatif suffisant. C’est-à-dire l’auteur qui aura eu à opérer des choix de focales, de lumières, de matériel, de filtres, qui constitueront par conséquent l’empreinte artistique de l’auteur.
Puis-je utiliser une photographie librement sans atteinte au droit d’auteur ?
La disponibilité d’une photographie, notamment, sur internet ne doit jamais présumer de la possibilité de l’utiliser librement.
Tout acte de reproduction ou de représentation d’une œuvre photographique qui n’a pas été autorisé par l’auteur sera appréhendé comme un acte de contrefaçon, susceptible de sanctions civiles et pénales.
Dans le doute, le principe doit donc être celui d’une réservation de ses droits par l’auteur, que celui-ci soit identifiable ou non.
Les licences
Comme pour toute œuvre bénéficiant du régime du droit d’auteur, tout acte de reproduction, de représentation, de diffusion, d’adaptation, de modification de la photographie doit avoir été autorisé préalablement par l’auteur.
Cela prendra généralement la forme d’une licence ou une cession de droits patrimoniaux, exclusive ou non exclusive, rémunérée ou gracieuse.
De nombreux photographes partagent leurs clichés par le biais d’une licence libre (appelées creative commons en anglais) et des bases de données se sont spécialisées dans la mise à disposition de ces œuvres présentées comme libres.
Ces licences n’en obligent pas moins l’utilisateur aux conditions qui auront été prévues par l’auteur, on peut ainsi penser :
- à la mention du nom de l’auteur (BY),
- à l’interdiction d’exploitation commerciale (NC),
- à l’interdiction de modification (ND),
- au partage à l’identique (SA).
L’accessibilité d’une photo depuis une base d’œuvres sous creative commons n’emporte donc pas la possibilité d’en faire tous les usages, il faut systématiquement se référer aux conditions particulières de la licence.
En résumé
- Le photographe n’est pas libre dans le choix du sujet ou de l’objet de la photographie car la captation peut porter atteinte à la vie privée. La captation peut également contrefaire une œuvre protégée au titre de la propriété intellectuelle,
- La photographie est généralement appréhendée comme une œuvre de l’esprit à partir du moment où l’auteur a librement pu opérer des choix techniques ou artistiques.En tant qu’oeuvre de l’esprit elle bénéficiera donc du régime de la protection intellectuelle qui accorde à l’auteur des droits moraux et patrimoniaux sur l’œuvre,
- L’auteur organise comme il le souhaite l’exploitation de l’œuvre photographique. AinsI il peut choisir de se réserver toutes utilisations, céder partiellement ses droits pour une utilisation déterminée. Il pourra également mettre à disposition du public la photographie via une licence libre qu’il pourra néanmoins assortir d’obligations spécifiques à destination de l’utilisateur.