La procédure d’injonction de payer et l’importance du rôle de l’avocat
Il est notoirement connu des professionnels, indépendants, entreprises ou entrepreneurs, que l’injonction de payer est une procédure simple, rapide et non contradictoire prévue pour répondre aux demandes de recouvrement de créances certaines et exigibles.
La procédure est souvent choisie car elle permet de se passer de l’avocat qui n’est en effet pas obligatoire, et ceux qui mènent cette procédure cherchent logiquement à économiser les frais d’avocat.
Pourtant, sous couvert de cette simplicité et de cette économie, il faut bien prendre conscience de certains aspects qui posent difficultés et feront que l’intervention d’un avocat deviendra presque obligatoire en aval.
Cette fiche a ainsi vocation à résumer la procédure tout en mettant en garde sur les difficultés qui peuvent être méconnues et créer des inconvénients majeurs
La procédure d’injonction de payer : pour qui ? Pour quoi ?
A la base, de manière en effet simple, la demande en injonction de payer est une procédure qui permet à un créancier de pouvoir recouvrer des factures impayées lorsque son débiteur refuse de payer.
Autrement dit, elle est destinée à permettre à des professionnels, quelque soient leur structure ou le montant de la ou des factures impayées, qui cherchent à en obtenir rapidement et facilement le paiement.
Cela étant, attention, premier piège, l’injonction de payer doit nécessairement intervenir après une phase de recouvrement amiable pendant laquelle le créancier a fait parvenir des lettres de relance restées sans réponse et sans paiement.
En somme, l’envoi d’une mise en demeure de payer dans un délai imparti en lettre RAR est en pratique une obligation préalable.
Et c’est là notamment que le rôle de l’avocat peut être important car le non-paiement d’une facture procède en général, non pas d’un oubli du débiteur, mais plutôt d’un conflit avec le créancier.
De la sorte, le courrier de mise en demeure rédigé par un avocat aura plus de chance d’avoir un impact sur le débiteur qui prendra certainement plus au sérieux la demande, et sera peut-être plus enclin à payer amiablement afin d’éviter la voie judiciaire de l’injonction de payer.
Quelles conditions pour recourir à la procédure d’injonction de payer ?
La facture doit réunir plusieurs critères :
En parallèle à cette tentative de recouvrement amiable dont la dernière étape est la mise en demeure, pour pouvoir recourir à une injonction de payer, la facture concernée doit réunir plusieurs critères :
- Avoir pour origine un contrat ou un document ayant valeur contractuelle (achat, emprunt, facture impayée, loyer, etc.),
- Être d’un montant déterminé et chiffré
- Être arrivée à son terme, c’est-à-dire être exigible,
- Ne pas dépasser le délai de prescription (entre 2 ans et 5 ans selon que la facture est due par un particulier ou un autre professionnel)
L’intérêt de la procédure est qu’aucun montant minimum n’est requis pour engager une procédure en injonction de payer.
La dette peut donc être de 2 euros comme de 15.000 euros.
Seule la compétence d’attribution et territorial du tribunal variera selon le montant de la dette et la nature civile ou commerciale de celle-ci.
Les différentes juridictions compétentes :
Le tableau ci-dessous récapitule les juridictions compétentes en fonction de la nature de la créance et de son montant.
En résumé, il conviendra de saisir les juridictions suivantes, et l’importance d’être conseillé par un avocat se retrouve ici derrière la simplicité apparente de la procédure.
- Si une des parties est un consommateur, la nature civile imposera de saisir les juridictions civiles,
- Si la dette est inférieure à 10.000 euros, il conviendra de saisir le tribunal de proximité (ancien tribunal d’instance),
- Si la dette est supérieure à 10.000 euros, il conviendra de saisir le Tribunal judiciaire (ancien Tribunal de Grande Instance),
- Si les deux parties sont des professionnelles, la nature commerciale de la dette imposera de saisir le Tribunal de Commerce quel que soit le montant de la dette.
Par principe, c’est le tribunal du lieu du domicile ou du siège social du débiteur qui est compétent, mais là encore il existe des exceptions qui méritent justement le conseil préalable d’un avocat.
Comment se déroule la procédure d’injonction de payer ?
Les mentions obligatoires à la requête :
Concrètement, il s’agit de procéder à la rédaction de la requête d’injonction de payer et être accompagné d’informations essentielles et de pièces justificatives.
En pratique, la demande en injonction de payer du créancier sera déposée au greffe de la juridiction compétente (cf. le paragraphe précédent) par le biais d’une requête en injonction de payer.
Pour être recevable, la requête doit contenir un certain nombre de mentions obligatoires :
- La désignation et les coordonnées du créancier (personne physique ou morale) ;
- La désignation et les coordonnées du débiteur (personne physique ou morale) ;
- L’objet de la demande ;
- Le montant précis de la somme revendiquée, le décompte des éléments qui la compose ainsi que son fondement ;
- La date et la signature du créancier.
La légitimité de la requête :
La requête doit être accompagnée d’éléments justifiant de la légitimité de la demande.
Il peut s’agir d’une facture, d’un contrat, d’un bon de commande ou de tout autre élément pouvant démontrer le défaut de paiement.
De plus, la requête doit être accompagnée de l’accusé de réception du courrier de mise en demeure resté infructueux (Cf les développements du 1).
En pratique, la requête d’injonction de payer prend la forme d’un formulaire Cerfa à remplir.
Mais le Cerfa en injonction de payer varie en fonction de la nature civile ou commerciale de la créance mais également en fonction de son montant.
L’importance de vous faire accompagner d’un avocat est donc sous-jacent malgré l’apparente simplicité, afin de remplir correctement le bon formulaire, à savoir soit le Cerfa n° 12948*03, soit le Cerfa n° 12946*01, soit Cerfa n° 14896*02
La décision du juge
Quelques semaines après le dépôt de la requête, le tribunal saisi va rendre une décision, sans débat contradictoire, ni audience.
Il peut ainsi :
- Rendre une ordonnance de rejet s’il estime que la requête n’est pas fondée ou qu’il n’y a pas tous les éléments.
La procédure en injonction de payer prend fin mais il est alors possible de se tourner vers d’autres moyens pour obtenir le paiement de factures impayées tels que l’assignation en paiement ou le référé provision, ce qui nécessitera alors le recours à un avocat.
D’où l’importance de l’avocat dans le conseil et la préparation de la requête
- Rendre une ordonnance d’acceptation partielle, le juge rendant ainsi une ordonnance en injonction de payer pour seulement une partie de la somme demandée.
Par exemple, le créancier avait effectué une requête pour 2.900€ et le juge ne lui accorde l’ordonnance que pour la somme de 800€.
- Rendre une ordonnance d’acceptation totale : le juge rend une ordonnance en injonction de payer pour l’intégralité de la somme demandée.
L’exécution de l’ordonnance et les voies de recours
Suite à l’acceptation partielle ou totale de la requête par le juge, la décision rendue est un titre exécutoire qui seul permet d’obtenir l’exécution forcée du paiement des montants octroyés.
Attention, il faudra veiller que le créancier, dans un délai de 6 mois, ait porté l’ordonnance à la connaissance du débiteur.
Pour cela, il doit impérativement s’agir d’une signification par un huissier de justice.
La voie de l’opposition :
Suite à la signification, le débiteur dispose d’un mois pour contester l’ordonnance, par la voie de l’opposition, et c’est bien là les limites et les difficultés de la procédure d’injonction de payer.
- Dans le cas où le débiteur ne la conteste pas dans le mois qui suit la signification, le créancier doit demander l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance dans le mois suivant la fin du délai d’opposition du débiteur.
La formule exécutoire :
Pour obtenir le titre exécutoire de l’injonction de payer, le créancier en fait la demande au greffe à l’écrit ou à l’oral. La formule exécutoire est nécessaire pour forcer le débiteur à payer.
Le recouvrement de la créance peut alors prendre 2 voies :
- Soit le débiteur paye spontanément, et donc tout est réglé,
- Soit le débiteur ne paye pas, et dans ce cas, le créancier doit alors recourir à un huissier de justice afin qu’il procède à une saisie d’huissier qui elle-même est susceptible d’un recours et le cas échéant d’une demande de délai de paiement au Juge de l’exécution, délai qui peut aller jusqu’à 24 mois.
N’hésitez pas à consulter notre fiche pratique pour en savoir plus sur les étapes de la procédure d’injonction de payer après l’ordonnance du juge.
- Dans le cas où le débiteur fait opposition dans le mois qui suit la signification (par simple courrier au tribunal), le problème est que à partir de ce moment une procédure judiciaire contradictoire avec audiences et échanges de conclusions et pièces intervient.
Le créancier sera alors soumis à la lenteur de la justice, et devra alors justifier le bien-fondé de sa demande face aux arguments du débiteur (seul ou avec son avocat).
Le créancier sera alors fortement conseillé de prendre un avocat pour que le juge rende alors un jugement contradictoire (en moyenne sous 12 mois), jugement de nouveau à signifier et lui-même encore susceptible d’appel….
En somme, la procédure d’injonction de payer, facile et simple, sera à tenter pour des montants modestes ou vraiment incontestables.
Mais dès lors que le montant est important ou qu’il y a manifestement un conflit ou une difficulté réelle avec le débiteur, il sera conseiller de privilégier directement l’assignation en paiement, avec un avocat.
Cela permettra d’éviter de perdre 6 mois avec un débiteur qui fera de toute façon opposition.
Quel est le coût d’une procédure en injonction de payer ?
L’avocat n’étant pas obligatoire mais fortement conseillé pour l’ensemble des raisons indiquées, l’avantage de la requête en injonction de payer est que, sans les frais d’avocat, elle est gratuite lorsqu’elle est de nature civile.
S’il s’agit d’une injonction de payer devant le tribunal de commerce, seuls des frais de greffe d’un montant de 35,21 euros doivent être payés dans les 15 jours suivant la présentation de la requête.
Il s’agira donc surtout pour le créancier d’anticiper les coûts éventuels dans le cas où le débiteur ferait des recours qui aboutirait à une procédure contradictoire où le recours à l’avocat devra être fortement privilégié si ledit créancier veut maximiser les chances d’obtenir le recouvrement de sa créance.