Coronavirus : Axa condamné a indemniser un restaurateur
Une ordonnance de référé du Tribunal de commerce de PARIS du 22 mai 2020 vient d’ordonner une expertise judiciaire afin de déterminer précisément le préjudice du demandeur, la Maison ROSTANG (la perte de marge brute), et de condamner la société AXA FRANCE IARD à verser une PROVISION de 45.000 € sous astreinte de 1.000 € par jour de retard !
On a lu un peu tout et son contraire quant à cette décision, nous avons pu nous la procurer et lire la motivation du Juge consulaire.
Le Tribunal de commerce frappe fort et condamne Axa
La décision est rude. Le Tribunal de commerce a voulu, à n’en pas douter, frapper fort en accordant cette provision estimant que « Vu la situation financière de la société et l’absence de contestation sérieuse nous disons cette demande de provision justifiée dans son principe » (cf. ordonnance, page 5, bas de page).
C’est un peu maigre, on aurait aimé une motivation un peu plus musclée.
Il a d’ailleurs condamné AXA FRANCE IARD à 5.000,00 € de frais de justice (montant selon nous justifié), mais que l’on voit rarement au Tribunal de commerce, preuve que le Juge des référés a voulu donner une couleur symbolique à sa décision.
Attention toutefois à apprécier cette décision avec modération puisque non seulement un appel va redistribuer les cartes (1) et n’oublions pas que la décision du juge des référés ne lie pas le juge du fond (2) et débat au fond il y aura.
Les juges du Tribunal de commerce ne sont pas des magistrats mais d’anciens commerçants
Au Tribunal de commerce, les juges ne sont pas des magistrats, ce sont d’anciens commerçants – donc des non juristes – et c’est comme ça dans notre pays, depuis le temps des foires au 16ème siècle.
En appel, des magistrats – donc des juges professionnels – auront à se prononcer sur les demandes de la Maison ROSTANG, et il n’est pas certain qu’ils aient la même interprétation que le juge consulaire. La jurisprudence du juge des référés parisien ayant tendance à considérer que le juge des référés (= celui qui a été saisi = c’est un juge de l’évidence, juge également de l’urgence) n’est pas compétent pour interpréter une police d’assurance.
Le contrat d’assurance est-il applicable ou non ?
Or c’est toute la question de ce litige.
Le préjudice de perte d’exploitation du restaurant résultant de la fermeture administrative n’est pas sérieusement contestable ?
C’est ce que nous dit l’ordonnance.
La maison ROSTANG vient donc de gagner une bataille, il va lui falloir gagner la guerre.
La décision est intéressante en ce qu’elle tranche plusieurs débats, et c’est à mon sens, ce qu’il faut retenir pour les prochaines réclamations de restaurateurs assurés :
- Peu importe le débat actuariel sur la prétendue inassurabilité du risque pandémique : il appartenait à AXA FRANCE IARD de l’exclure expressément dans son contrat. Le contrat rien que le contrat = droit civil de base. Espérons que cela coupera court aux leçons d’assurances (sur la définition du risque, de la mutualisation, de l’aléa, etc…) auxquelles les nouveaux experts des réseaux sociaux se livrent. Laissez les juristes et les juges interpréter les contrats et n’oubliez pas que dans notre démocratie les avocats veillent à ce que les intérêts des justiciables et des entrepreneurs soient respectés.
- AXA indiquait que la perte d’exploitation ne pouvait être prise en charge que lorsqu’elle résultait – lorsqu’elle était consécutive – à un dommage matériel garanti (incendie, etc…). Or ce n’est pas ce qu’indique l’extension de garantie figurant dans les conditions particulières et ce que reconnaît le Tribunal.
= S’il y a fermeture administrative, l’extension de garantie « perte d’exploitation » peut jouer. La garantie est mobilisable.
- Peu importe que la décision de fermeture ait été prise par le ministre ou le Préfet. Le Juge n’est pas rentré dans les arguties d’AXA sur ce point ;
- « L’interdiction de recevoir du public est bien une fermeture administrative totale ou partielle du restaurant» (cf. ordonnance, page 5). Allez demander aux restaurateurs s’ils n’ont pas été contraints de fermés lorsqu’ils avaient, le samedi 14 mars à minuit la police ou les gendarmes dans leurs restaurants !
Comment va réagir AXA FRANCE IARD dans cette condamnation pour indemnisation, en pratique ?
D’autres sociétés d’assurance ont fait le choix « sous toutes réserves de garanties », et sans contrainte judiciaire, de mandater des experts techniques pour commencer à discuter du chiffrage des pertes avec leurs assurés afin de leur faire des propositions d’indemnisations.
Il est regrettable d’avoir à passer par la case judiciaire et il faut saluer le travail du Tribunal de commerce qui a rendu la justice dans une période compliquée (l’ordonnance autorisant à assigner en référé d’heure à heure date du 29 avril donc en plein confinement).
Il s’agit d’un ordre judiciaire où, rappelons-le, les juges sont bénévoles.
Il faut donc espérer comme l’indiquait le responsable de communication de la marque AXA FRANCE IARD dans les dernières communications parue avant le délibéré, que des dialogues et par conséquent, nous l’espérons, des indemnisations à l’amiable pourront avoir lieues pour que chacun des restaurateurs concernés par la garantie perte d’exploitation pour fermeture administrative en cas d’épidémie puisse s’épargner les affres d’une procédure judiciaire et un ascenseur émotionnel inutiles.
Pensez également à lire notre fiche pratique sur la perte de la garantie d’exploitation et les possibilités d’actions pour les restaurateurs.